Perdu dans un paysage de lumière, j'avance. Rien n'est perceptible, tout se ressemble autour de moi, aucun bruit, pas même une voix. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis là ni pourquoi je continue de marcher, je suis comme attiré par une force que seul moi peut sentir, quelque chose m'oblige à avancer sans que je n'en sache la raison. Et plus j'avance, plus je peux distinguer une ombre au loin. Cette silhouette se dessine peu à peu et prend des couleurs; tout d'abord, je perçois une porte, brillante et immense comme jamais, magnifiquement sculptée dans une matière qui ressemblerait presque à du coton tellement elle semble douce.

Rapidement, je détourne mon regard émerveillé vers ces branches de lierres placées de part et d'autres de l'entrée. Il y en a tellement qu'il serait presque impossible de percevoir les murs de briques rouges et miroitantes, comme si elles n'avaient jamais été salies. Je suis du regard ces lignes droites et ordonnées jusqu'à être stoppé par la présence d'une fenêtre. Elle est d'un verre peu commun, non pas transparente, elle reflète complètement l'extérieur, comme teintée elle nous interdit de voir l'intérieur de la maison.
Je passe à présent au toit, enfin, peut-on appeler ça ainsi, c'est un tronc d'arbre qui domine l'édifice, un pommier. Mon attention est très vite accaparée par l'unique pomme qu'il détient, d'un doré angélique et gourmand, mon coeur palpite rien qu'à la vue de ce fruit qui ne demande qu'à être cueilli. J'aurais pourtant cru que je me retiendrai mais un instant plus tard, je la tenais dans ma main et sans attendre en prenais une bouchée.

Aussitôt, ce paysage blanc laissa place à mille et une couleurs, ce changement brutal fut si agressif que j'en fus étourdi pendant quelques instants. Mais ce sentiment laissa vite place à l'éblouissement. Ce qui se trouvait devant moi était tout bonnement magnifique, bâtiments, routes, verdure et rivière tombait du ciel avant de se placer à leurs endroits respectifs. C'est une architecture hors du commun qui s'offrait à mes yeux, ce lieu intemporel mélangeant nature et future semblait si parfait ! Des bâtiments et magasins éclairés par je ne sais quelle énergie brillaient de mille feux faisant même miroiter les feuilles des arbres voisins. Il y avait à côté une rivière, mais quelle rivière ! Son eau était d'un bleu improbable tellement il était magnifique. D'où pouvait venir cette couleur, le ciel n'avait rien de sa teinte habituelle, il était d'un jaune orangé pouvant s'identifier à un coucher de Soleil les jours dégagés. Des nuages, il y en avait pourtant, mais ils zigzaguaient entre les immeubles, comme si leur chemin était déjà tracé. Ces nuages passaient au dessus des routes, mais celles-ci n'étaient pas clouées au sol, elles passaient à travers les bâtiments et même les survolaient ! Cet aperçu futuriste se complétait par la présence de lampadaires et de lustres qui n'étaient non pas raccrochés au sol, mais au ciel ! Il m'était impossible de comprendre ce phénomène, et puis, je n'y prêtais guère attention tellement l'idée était innovante et appréciable à regarder.
Cette ville qui paraissait vide au départ s'animait à présent, je pouvais entendre des cris des marchands, des rires d'enfants, des musiciens joués, pourtant, seul le son était présent, aucun corps n'était visible de là où j'étais, comme si ces voix venaient du ciel.

J'étais tellement stupéfait par cette magnificence qu'il m'était impossible de bouger. Je voulais me rapprocher de ces choses si belles, je voulais les toucher, les emmener avec moi, cet endroit que je connaissais à peine, je m'y sentais comme chez moi, je dirais même que c'est cet endroit qui deviendrait ma maison.
Soudain, je sentis une chaleur incommensurable s'accentuer en ma paume, je lâchais rapidement la pomme et aussitôt, tout ce qui était autour de moi se mettait à disparaître. Routes, arbres, rivière, tout brûlait et se brisait sous mes yeux ! Non... Je ne le voulais pas, pas tout de suite ! Les vitres se brisaient, le sol se fracassait, et même cette maison sur laquelle j'étais debout, même elle tombait en morceaux ! Je chutais alors dans le vide, au milieu de ce paysage apocalyptique, je me perdais dans les fins fonds de ce monde parfait devenu cauchemardesque. Des flammes et des coulées de lave m'encerclaient, le sol rouge m'accueillait, la fin était là, sous mes yeux ! Juste un instant, et... Me voilà mort.

Un instant où seul l'obscurité m'était visible, puis ma vision devenait floue. Je me levais doucement, regardant autour de moi sans pouvoir rien distinguer encore. Peut-être étais-je retourné en cet endroit paradisiaque, j'allais peut-être pouvoir enfin le revoir ! Mais cette illusion prenait fin, j'étais dans ma chambre.
Rien qu'un rêve, un rêve si réel et si parfait, mais pourtant inaccessible. J'aurais tant voulu... Mais bon, on ne peut pas y faire grand chose, il est temps d'avancer en ce monde dont les défauts ne se comptent plus. Je sors de ma chambre sans avoir remarqué ce qui était posé sur ma table de chevet, une pomme mordue.